Rara temporum felicitate, ubi sentire quae velis, et quae sentias dicere licet
Publio Cornelio Tácito, Historias, I
Je dois aller en Espagne, cela me réjouit et m’attriste en même temps car ce voyage a lieu pendant les fêtes de Noël et ce ne sont pas des jours ordinaires, loin de là. Après avoir parlé aux uns et aux autres, j’entends dire que cette année, les gens sont tristes, très tristes même, ça se passe mal, les choses ont beaucoup changé, rien ne sera plus comme avant, il va falloir faire des transformations. J’en suis bien triste comme tout Espagnol surtout quand je compare la France provinciale, (je veux désigner ainsi tout ce qui n’est pas Paris), ses rues entièrement vides, ses fenêtres fermées à double tour, quand les nôtres sont toutes grandes ouvertes. Quand je descends en voiture et que j’arrive au Pays basque, j’ai tout à coup un choc lumineux, je dois mettre mes lunettes de soleil, je n’en dis pas plus. En France, pour faire des économies, on diminue l’éclairage, on le supprime même parfois. Ils craignent sans doute comme Astérix que le ciel ne leur tombe sur la tête ! Même les lumières de Noël ont leurs coupures. En Espagne, c’est une débauche de lumières, sans doute parce qu’on ne supporte pas d’être dans l’obscurité, après tant d’années d’obscurantisme !
Les gens de la rue, en Espagne tirent le diable par la queue. Ah ! Bien sûr, ceux pour qui tout va bien, s’en fichent complètement, ils ne savent même pas ce que compassion ou charité veulent dire. Ce sont là des sentiments qui n’ont rien à voir avec la politique. Depuis que le communisme est mort, on ne parle plus de compassion bien que certains politiques américains s’y intéressent uniquement pour gagner quelques votes et avoir une bonne image. On assiste plus que jamais à une imposture et un imbroglio inexplicable et incompréhensible. Moi qui vis en Europe, je peux dire que chez moi en Espagne, on veut vraiment être plus royaliste que le roi. Pourquoi ? Je vais prendre un exemple : la loi anti-tabac. Un mensonge de plus de la part du gouvernement. Le tabac rapporte une somme considérable en impôts. Les psychologues et les psychiatres n’ont pas vraiment eu de succès tout au long de notre histoire sociale. Les gens n’en ont pas besoin. Dans des sociétés plus fermées, peut-être. Mais les Espagnols vont au bar raconter leurs soucis et leurs joies, c’est un fait culturel de la plus haute importance.
En Espagne, la philosophie du bar du commerce (c’est moi qui dis cela, moi qui, actuellement, ne fréquente que très peu les bars mais je l’ai fait quand j’étais jeune), la communication correspond tout à fait à notre nature. On sent la vie, c’est notre identité à l’état pur. Il faut dire qu’en Espagne il y a une multitude de bars, d’aucuns disent même qu’il n’y a que cela ! Il est indispensable pour la personne de s’accepter telle qu’elle est, c’est valable aussi pour les sociétés : nous sommes ainsi faits. Quand une société, un groupe, un parti se dit cela : je suis comme je suis et accepte mes qualités et mes défauts, les choses vont beaucoup mieux. Il faut donc s’accepter. Ce n’est pas le cas dans le reste de l’Europe. Il y a peut-être un bar dans un village pour aller faire son Loto ou autres jeux de hasard, mais on s’y ennuie à mort. Il n’y a pas dans ces bars le petit verre de l’amitié, la petite bière pression, le café servi au verre… Ils n’ont pas l’ombre et le soleil, ils n’ont pas le «petit canard» (cette goutte d’eau de vie dans le café), ni ces parties à deux euros, ni les dominos, ni le jeu de tute… Ils n’ont pas non plus les churros, ni les porras (autre sorte de churros)… ni… Dans ces villages d’Europe, prendre ne serait-ce qu’un petit verre coûte les yeux de la tête. Ces étrangers admirent justement notre façon de nous détendre, de communiquer, c’est un phénomène d’automédication. Ne parlons pas du «jipijapa» des Basques. Qu’il fasse chaud, qu’il fasse froid, ils se réunissent toujours au Club, quoiqu’il arrive. Les Andalous sont indifférents aux modes du monde entier, eux, crise ou pas crise, ils sortent toujours prendre le petit verre, même s’ils n’ont plus de quoi. Bon… Je veux dire par là que si les bars sont pour nous une question culturelle, et c’est le cas, pourquoi viennent-ils nous pourrir la vie avec leurs histoires absurdes d’interdiction de fumer ! D’après l’Union Européenne, il y a en Espagne 9 millions de pauvres qui ne demandent pas mieux que d’être riches, mais les gens, je veux dire, les chefs d’entreprise, les ouvriers, les commerciaux, les professeurs, les commerçants veulent trouver une manière de se défouler, de s’évader… je parle, bien entendu, des gens fatigués, pas des étudiants qui sont devenus fous et qui passent leur temps à faire la noce… Ces histoires de «botellón» (ou beuverie) est une bien triste affaire.
A Madrid, il y a beaucoup, énormément de bars, ce ne sont pas des espaces publics, ce sont des hôpitaux, des aéroports, des ministères… Les bars sont des commerces privés où les gens vont passer un moment, pour s’amuser et se divertir. Puisqu’on peut choisir, pourquoi interdire à tous les bars le droit de fumer ? Je n’arrive pas à comprendre. C’est triste et ‘liberticide’, selon le mot à la mode. Je dis tout cela, moi qui ne fume pas et ne bois pas, quoique je me laisse aller de temps en temps avec mes amis. Je vais où eux vont, que ce soit un vice ou un plaisir, cela ne me dérange pas de faire une entorse à mes habitudes. C’est une vraie Inquisition, j’espère bien que les gens feront ce que bon leur semblera et qu’ils ignoreront les règles prescrites. Dans les parcs pour enfants, les obstacles sont faits pour être franchis, mon cher monsieur. C’est la même chose dans la société. Je ne supporte plus cette hypocrisie odieuse que proposent nos hommes politiques avec leur publicité anti-tabac. Ils ne se soucient absolument pas de savoir si les filles de treize ans prennent la pilule du lendemain comme des barres de Mars ou Kinder Bueno ou qu’elles avortent comme elles veulent dès l’âge de 14 ou 15 ans et cela, autant de fois qu’elles le veulent. Ils ont été indignés d’apprendre qu’un écrivain fasse ses lamentables déclarations et nous dise qu’il avait eu des relations avec des Japonaises de 13 ans, il y a bien longtemps. Ils ne se rendent pas compte que cet écrivain adepte du concubinage, n’était pas la vieille peau qu’il est aujourd’hui. Il n’était pas pédéraste non plus, c’était un type très bien. Les relations existent bien quand ces gamines, car ce ne sont que des gamines, vont à la pharmacie pour avorter à 14 ans… n’ont-elles fait que sucer des noyaux d’olives ? Je connais un peu le Japon pour y avoir vécu 2 ans, je sais ce qui s’y passe. La fourberie et l’hypocrisie sont écœurantes. Il faut lutter contre le machisme d’une autre façon, mesdames, parce que l’incohérence ne mène nulle part. Ce n’est pas faire preuve d’intelligence que de déblatérer sur les autres. Cela jette le discrédit sur toutes les autres femmes. Le ressentiment que brandissent certaines de ces grognasses peu intelligentes est criminel, odieux. Elles n’ont d’esprit que pour coller des étiquettes sur le dos des autres…
Avec ces fêtes, les gens sortent et j’espère qu’ils vont beaucoup sortir pour célébrer ces horribles gueuletons d’entreprise, buvez l’eau des vases à fleurs et passez du bon temps. Riez, ayez cet humour tant espagnol, riez de tout. C’est normal, je veux bien le comprendre. La société va bien reprendre peu à peu des couleurs et prendre aussi conscience du manège, de l’aliénation à laquelle elle est soumise et se rebeller. Il nous faut une révolution, on n’en a jamais eu en Espagne, et à première vue, on n’est pas près de se lancer dans la dissidence avec cette Monarchie folklorique et frivole où tout est possible. La télé est le reflet d’un monde de fiction ou d’un monde du fric, minable et grossier. La télé entretient le mensonge et la Monarchie parle par la télévision, c’est son moyen de communication, elle parle pour se vendre. En fait, celle qu’on appelle la princesse est une experte en images de sorte qu’on ne voit que frivolité, valeurs perdues, superpuissance, absolutisme caché, impérialisme économique. Des milliers de gens en voient de toutes les couleurs et on dirait que tout le monde s’en fiche, tout doit être conforme à cette Monarchie, tout doit passer par l’image, la télé monarchique. Les gens semblent enchantés, bien que je n’y croie pas trop, tant que les parents sont là oui, mais les enfants l’accepteront-ils ? Vont-ils toujours crier : «vive les chaînes !»[1]
Durant ces fêtes, chacun va se débrouiller du mieux possible. La réalité refera vite son apparition. Nous sommes, par force, dans une société de consommation où ce qui prime n’est pas l’effort, mais tout ce qui est matériel. Les mères ne font plus cadeau de leur temps, elles préfèrent les riches cadeaux mais cela ne peut plus continuer. Il reste beaucoup à faire selon un ami économiste bien introduit dans les affaires européennes, les choses ne font que commencer. Alors, attachez vos ceintures, on va bientôt procéder à l’atterrissage.
[1] Allusion au roi Fernando VII, où les Espagnols criaient ainsi leur désir d’Absolutisme et leur rejet des Libéraux.
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